Vignettes Crit’Air : de plus en plus de véhicules cloués au sol ?
Publié le 7 mai 2019
L’extension des restrictions à la circulation va considérablement impacter la physionomie du parc automobile français, en cause une petite vignette qui bientôt décidera de plus en plus souvent de la possibilité pour un véhicule de circuler…ou non.
Par Jean-Baptiste le Dall, Avocat à la Cour, Docteur en Droit, Conseiller scientifique du MAP pour les questions de droit automobile
Paris, capitale des vignettes
Paris a été incontestablement leader dans le domaine avec une exploitation rapide des possibilités de restrictions offertes par le dispositif Crit’Air.
Pour mémoire une vignette est attribuée à chaque véhicule en fonction de son année de mise en circulation, de sa motorisation... Ces éléments permettent d’autoriser ou d’interdire la circulation aux véhicules selon (tout du moins en s’en inspirant) le respect de normes euro 1, 2, 3, 4, 5 ….
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Car une fois que les véhicules ont été catalogués en fonction d’une vignette, rien de plus facile pour les pouvoirs publics de cibler telle ou telle catégorie.
A ce jour, le dispositif parisiens interdit la circulation du lundi au vendredi de 8h à 20h aux véhicules non éligibles à la vignette Crit’Air, et aux véhicules arborant une vignette Crit’Air 4 ou 5. A partir du 1er juillet 2019 cette restriction de 8 à 20 h s’appliquera même 7 jours / 7 aux poids lourds et autocars portant la vignette Crit'Air 4…
Quelle sanction en cas de circulation non autorisée ?
Le conducteur qui circulerait, à Paris (et bientôt au sein de la Métropole du Grand Paris), avec un véhicule non autorisé, en semaine, risque la verbalisation. C’est ce que précise l’article R411-19-1 du Code de la route:
« Le fait, pour un conducteur, de circuler en violation des restrictions d'une zone à circulation restreinte, instituée en application de l'article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales, est puni de l'amende prévue pour les contraventions :
1° De la quatrième classe, lorsque le véhicule relève des catégories M2, M3, N2 ou N3 définies à l'article R. 311-1 ;
2° De la troisième classe, lorsque le véhicule relève des catégories M1, N1 ou L. »
On parle donc la plupart du temps d’une amende à 68 euros, mais le coût pourra vite s’avérer insupportable pour le conducteur en cas d’accumulation d’avis de contravention.
Il sera également signalé que le véhicule peut être immobilisé…
Une verbalisation plus aisée à l’avenir
Pour être clair, la mise en place du dispositif parisien ne s’est pas accompagnée d’une pluie de PV. Pour l’année 2017, la cadence de verbalisation était assez faible avec même pas un avis de contravention par jour… En 2018, sur les premiers mois de l’année, la mairie de Paris communiquait sur un chiffre de 51 avis de contravention dressés par jour.
Pour la seule journée du 27 février 2019, la Préfecture de police faisait état de 600 infractions à la circulation différenciée à relevées l'intérieur du périmètre délimité par l'A86…
Si globalement la probabilité d’une verbalisation est aujourd’hui assez faible, la situation pourrait changer du jour au lendemain lorsque l’infraction pourra être constatée par vidéo-verbalisation. Le recours au dispositif LAPI (lecture automatique des plaques d’immatriculation) pourrait clouer les véhicules les moins bien notés à coup de d’avis de contravention…
Une extension au Grand Paris ?
Le dispositif parisien devrait d’étendre jusqu’à l’A86. C’est tout du moins le projet de la Métropole du Grand Paris.
Le 12 novembre 2018, a été adopté un projet de zone à faibles émissions (ZFE) qui repose sur la création de zones à circulation restreinte sur le territoire de 80 communes franciliennes sur un périmètre qui va de Paris jusqu’à l'autoroute A86 et parfois même un peu au-delà. Ce projet de ZFE prévoit l'interdiction de tous les véhicules essence d'avant 1997, de tous les véhicules diesels d'avant 2001 et de tous les deux-roues d'avant 2000. Dès 2024, seront concernés par les restrictions à la circulation tous les véhicules, sauf les motorisations essence d'après 2011, les deux-roues d'après 2017 et les cyclomoteurs d'après 2018.
La mise en place de cette ZFE suppose l’adhésion des 80 communes à ce projet. Et il y a fort à parier que tous les maires de ces communes ne voient pas d’un bon œil cette mesure.
En attendant, les élus du Grand Paris ont voté l’interdiction à la circulation des véhicules classés Crit’Air 5, c’est-à-dire des diesels immatriculés avant le 31 décembre 2000. Et cette mesure va rentrer en application dès le mois de juillet 2019.
Ce sont 187.000 véhicules arborant cette vignette Crit’Air 5 qui ont été recensés à Paris et en petite couronne (chiffres AAAData). Mais ce chiffre ne pas forcément représentatif du parc, beaucoup de conducteurs ne circulant pas forcément à Paris (ou peu motivés compte tenu du faible nombre de verbalisations) n’ont pas jugé utile de commander un certificat Crit’Air. C’est finalement un chiffre de plus 800.000 véhicules circulant sans vignette qui pourraient être concernés par les restrictions à la circulation.
Si de nombreuses communes décidaient de rester à l’écart du projet de la Métropole du Grand Paris, la circulation autour de la capitale risquerait de devenir ubuesque : certains véhicules se retrouveraient dans l’obligation de contourner des communes, d’autres non…
Un parc d’un tel volume qui du jour au lendemain ne pourrait plus circuler entraînera nécessairement une forte décote pour ces véhicules mal classés en matière de certificat Crit’Air.
Pas que l’Ile de France
Le dispositif de restriction à la circulation a bien évidemment vocation à d’étendre. Les conducteurs de la métropole lilloise font, par exemple, en ce moment connaissance avec les vignettes Crit’Air. Les restrictions imposées aux véhicules classés 4 ou 5 qui avaient été mises en place en février ont été nouveau décidées en avril. Et à titre indicatif, pour la seule journée du 27 février 2019, 68 avis de contravention ont été dressés après le contrôle de 846 véhicules dans les rues de la capitale des Hauts de France.
Et les véhicules de collection
Aujourd’hui, une dérogation a néanmoins été accordée par la mairie de Paris aux véhicules immatriculés sous le régime de la collection (donc âgés d’au moins 30 ans). Les interdictions de circulation ne les concernent pas. C’est ce qu’il ressort d’un arrêté pris conjointement par la Mairie de Paris et la Préfecture de Police, en date du 14 Janvier 2017, et publié le 20 Janvier 2017 (arrêté n° 2017 P 0007 "instaurant une zone à circulation restreinte à Paris"). Néanmoins, cette dérogation n’a été accordée que pour trois ans.
La dérogation parisienne n’est qu’une dérogation au niveau local, rien ne garantit qu’elle soit accordée ailleurs qu’à Paris.
Début 2019, les représentants de la FFVE, la Fédération françaises des véhicules d’époque ont pu rencontrer Patrick Ollier, Maire de Rueil-Malmaison et surtout Président de la Métropole du Grand Paris. L’idée d’une extension de la dérogation accordée aux véhicules de collection ne semble pas exclue, mais rien n’est certain à la fois quant au principe mais également quant à la durée.
Quoiqu’il en soit les projets de zone de faible émission ou de dispositifs de restriction de la circulation ne se limitent pas à l’Ile de France et concerneront demain de nombreux conducteurs… partout sur le territoire national. Et la question des dérogations pour les véhicules collection se posera donc également partout...
Liens utiles :
https://www.certificat-air.gouv.fr/
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33371
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